Longtemps, l’Education nationale a privilégié une culture de l’écrit, suivant à la lettre la devise de Nicolas Boileau:

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Longtemps, notre pensée était inscrite dans un cadre étroit et rigoureux, la dialectique: thèse, antithèse, synthèse. Toute expression de la pensée qui en débordait était considérée comme nulle et non avenue – ou, dans le meilleur des cas, comme de la littérature.

Longtemps, la parole était un monopole: seuls ceux qui avaient reçu une formation à l’éloquence pendant leurs études supérieures jouissaient pleinement de ses pouvoirs.

Longtemps, l’apprentissage de la rhétorique, qui est l’art de persuader, était réservé aux élites: une fois initiées, récipiendaires des secrets de l’influence, elles avaient toute latitude pour exercer sur les autres leur domination, assurant ainsi leur reproduction perpétuelle.

Longtemps, il y a eu ceux qui savaient parler, et ceux qui ne savaient pas. L’égalité des chances était un mythe prométhéen: un mensonge.

Mais depuis quelques années, la parole est de nouveau à l’ordre du jour.

L’éloquence à l’ordre du jour

Signe de son retour, les concours d’éloquence se multiplient ; tout le monde peut se porter candidat et tenter sa chance. Tout le monde a voix au chapitre. Tout le monde peut se libérer de ses angoisses et prononcer publiquement un grand et beau discours.

A l’initiative du ministre Jean-Michel Blanquer, la réforme de l’Education nationale restaure l’équilibre entre l’écrit et l’oral. Dès la rentrée scolaire 2019/2020, partout en France, les nouvelles générations apprendront à prendre la parole pour défendre leurs chances. Soutenue par ses enseignants, elle réussira! Car les enseignants ont compris qu’ils n’étaient plus les dépositaires du savoir depuis l’essor d’Internet et qu’ils ont désormais pour mission principale d’enseigner l’art de mettre de l’ordre dans le chaos des idées.

L’éloquence est à l’ordre du jour. Des lycées, de Grandes écoles et même des villes ont d’ores et déjà leur propre concours d’éloquence. Mais à mesure que les concours se multiplient, la définition de l’éloquence se renouvelle et s’ouvre à d’infinies possibilités. Or, trop souvent, on confond encore éloquence et grandiloquence. Ce n’est pas la même chose.

C’est même exactement le contraire.

Qu’est-ce que l’éloquence? 

L’éloquence est le vêtement de la parole: elle doit être à la bonne taille, bien ajustée. Ni trop grande, ni trop petite, mais aux bonnes proportions – à la mesure de la personne qui en revêt son discours.

La parole est le corps de la pensée: elle lui donne vie par le souffle, la libère par les mots, par une syntaxe et une grammaire, lui donne forme par une poétique, une dialectique, une rhétorique. La pensée inspire la parole, puis la parole crée la pensée.

L’éloquence ne s’improvise pas: elle se travaille. Il existe un grand nombre de techniques pour se perfectionner. Mais pour établir le bon rapport personnel à l’éloquence, il faut en connaître deux principes, comme deux colonnes d’un portique donnant accès au grand secret: le pouvoir de la parole.

Les deux grands principes de l’éloquence

Croire en sa perfectibilité est le premier principe. Il faut renoncer à l’illusion fataliste que tout est couru d’avance. Que nous n’avons rien à dire. Que nous ne savons pas quoi penser de telle ou telle chose. Que notre voix n’est pas à la bonne hauteur. Comme il faut croire en Dieu pour que Dieu existe, il faut croire en la perfectibilité de l’homme pour grandir et s’accomplir. Croyons donc en notre perfectibilité et notre volonté s’accomplira.

Croire en sa perfectibilité est un grand signe d’humilité: cela nous rappelle que nous sommes tous une pierre vivante d’un immense monument en perpétuelle édification: l’humanité tout entière, qui a vocation à tendre vers le progrès.

Se connaître soi-même est le deuxième principe. Depuis l’Antiquité, tout homme cherche à atteindre ce but illustre sans la poursuite duquel l’existence n’a pas de sens. C’est  en cherchant à se connaître soi-même que l’on évite les pièges dans lesquels on tombait autrefois. Et c’est en apprenant des autres que l’on apprend à se connaître soi-même.

Or, le grand piège est l’imitation: copier à l’identique le style d’un grand orateur, qu’il soit anonyme ou de grande renommée, est une erreur. En alchimiste, il ne faut tirer de lui que la quintessence, ce qu’il a de meilleur. En outre, il ne faut jamais s’inspirer d’une seule personne, mais d’un panthéon fait d’hommes et de femmes, illustres ou anonymes, pour retrouver notre nature profonde, multiple et indifférenciée.

En respectant à la lettre ces deux grands principes, nous accédons au grand secret de l’éloquence qu’a dévoilé voilà deux siècles le philosophe Emmanuel Kant :

 

La véritable éloquence se moque de l’éloquence.

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